L'enquête
Quelle est la technique de mise en couleur de l'édition Guérin ?
Ce chapitre expose la controverse que l’équipe de recherche Didactique tangible a ouverte et résolue quant à la technique de reproduction en couleur adoptée pour la réédition par Louis Guérin du Traité complet de l’anatomie de l’Homme de Bourgery et Jacob. Nous démontrons, preuves à l’appui, que les planches de l’édition Guérin sont coloriées à la main et non reproduites en chromolithographie comme l’affirment plusieurs auteurs. En conclusion de ce chapitre, nous proposons d'observer à la loupe ce qui caractérise une impression en chromolithographie.
Jean-Marc Bourgery, Nicolas-Henri Jacob, Traité complet de l'anatomie de l'homme comprenant la médecine opératoire, Paris, C.-A. Delaunay, 1831-1854, 8 vol., Tome III, planche 3
Université de Strasbourg, Service Commun de la Documentation (dépôt BNU)
Dessiné d'après nature par N. H. Jacob
Lith. par Aumont
Imp. Lemercier, Bénard et Cie.
Quelle est la technique de mise en couleur de l'édition Guérin ?
De nombreux ouvrages scientifiques affirment que les planches de la réédition par Louis Guérin du « Traité complet de l’anatomique de l’homme » de Bourgery et Jacob sont reproduites en chromolithographie*. Nous démontrons dans ce chapitre que cette deuxième édition a été, comme la première édition C.-A. Delaunay, coloriée à la main dans un atelier d'enluminure.
Nous avons songé à faire analyser la composition chimique des encres utilisées : les coloristes utilisent des encres à base d’eau, alors que les lithographes utilisent des encres grasses. Mais une rigoureuse analyse visuelle s’est avérée suffisamment éclairante.
C’est une des forces de l’équipe pluridisciplinaire mobilisée dans le cadre du programme Didactique tangible, que d’associer à des théoriciens et à des historiens, des praticiens des domaines étudiés. En l’occurrence, des illustrateurs qui utilisent au quotidien de l’aquarelle et de la gouache, tous les outils des coloristes. Ainsi sont-ils les mieux à même d'identifier les effets de rendus caractéristiques de ces techniques de mise en couleur.
Nous avons mené notre propre enquête en comparant différents exemplaires de cette même édition. L'observation à la loupe de certaines planches exemplaires révèle de multiples variations dans la mise en couleur des planches lithographiées en noir. Des dissemblances que nous pouvons attribuer sans conteste aux outils, aux gestes, à l’habileté et à la sensibilité des coloristes. Ces variations ne sont pas dues aux mauvais repérages qui peuvent intervenir en chromolithographie. En effet, la manipulation de multiples pierres, parfois de très grande taille, peut entrainer des décalages, des débordements, des superpositions de tons qui ne ressemblent en rien à ce que nous observons ici. Nous pouvons ainsi affirmer que toutes les planches de l'édition Guérin ont été coloriées au pinceau.
Notre enquête nous a permis de caractériser trois grandes catégories de variations.
Technique
– Une première variation tient à la technique même de l’enluminure. Quand bien même les ateliers, spécialisés dans le coloriage des lithographies, portent la plus grande attention à mettre en couleur à l’identique les différents exemplaires d’un même ouvrage qui leur sont confiés, d’inévitables variations de teintes et de rendus interviennent. De multiples impondérables techniques peuvent contrecarrer cette ambition, liés aux outils, au papier, aux pinceaux, à la préparation des couleurs, mais également aux circonstances extérieures. Nous pouvons citer pour exemple : l'évolution de la luminosité au fil de la journée, voire des saisons, le taux d’hydrométrie ambiant, etc.
Dépassement
– Une autre variation tient à l’exigence de respect du dessin original à laquelle étaient astreintes ces femmes coloristes : elles devaient apposer de grands aplats de couleur sans déborder les contours des figures lithographiées, ou suivre le tracé complexe du crayon lithographique avec leur pinceau.
Parfois, par inattention ou par maladresse, la coloriste s’égare et un geste un peu trop ample entraîne un dépassement qui n’est jamais identique d’une planche à l’autre.
Interprétation
– Une troisième variation tient aux initiatives que doivent prendre les coloristes pour traduire en couleur des détails non dessinés en noir. Cette liberté d’interprétation du sujet (quand bien même cette dernière est encadrée par la responsable de l'atelier) entraîne certaines différences liées à l’habileté et à la sensibilité des coloristes. Ces variations sont particulièrement observables dans le choix des tons d’ombres, dans la combinaison des teintes apposées par petites touches afin d'obtenir une nuance colorée, dans le dessin au pinceau même, directement en couleur, d’éléments propres à la version coloriées des planches, comme les coulures de sang par exemple.
*Cette hypothèse n’est pas absurde, car les premiers ouvrages imprimés en chromolithographie sont contemporains de cette nouvelle édition de l’atlas.
Nous avons mobilisé différents experts, dont le spécialiste international de la chromolithographie, Michael Twyman, qui a écrit un article sur notre site à propos de ce mode d’impression apparu durant la deuxième moitié du XIXe siècle.
Étude comparée de la planche 3 du Tome III du « Traité complet de l’anatomie de l’homme ».
Nous avons étudié quatre reproductions de cette même planche (une éditée par C.-A. Delaunay et trois éditées par Louis Guérin), numérisées en haute définition par le Service Commun de la Documentation de l'Université de Strasbourg et par la Bibliothèque interuniversitaire de santé de Paris.
La mise en couleur d'une planche lithographique au pinceau entraine des variations de plusieurs ordres que nous avons identifiées dans les trois exemplaires de l'édition Guérin et qui sont en tout point identiques à ce que l'on pouvait déjà observer dans l'édition Delaunay.
Interprétation
Les nuances de couleur apposées dans les tons d’ombre de la lithographie renforcent le modelé du visage. Chaque coloriste interprète le volume de la joue ou du nez du sujet différemment.
Interprétation
Les nuances de couleur apposées dans les tons d’ombre de la lithographie renforcent le modelé du visage. Chaque coloriste interprète le volume de la joue ou du nez du sujet différemment.
Interprétation
Les nuances de couleur apposées dans les tons d’ombre de la lithographie renforcent le modelé du visage. Chaque coloriste interprète le volume de la joue ou du nez du sujet différemment.
Interprétation
Les nuances de couleur apposées dans les tons d’ombre de la lithographie renforcent le modelé du visage. Chaque coloriste interprète le volume de la joue ou du nez du sujet différemment.
Dépassement
Les ramifications vasculaires orange ou bleues n’adoptent pas toujours le même schéma. Les coloristes quittent parfois le tracé prédéfini au crayon lithographique, introduisant des variations très visibles.
Dépassement
Les ramifications vasculaires orange ou bleues n’adoptent pas toujours le même schéma. Les coloristes quittent parfois le tracé prédéfini au crayon lithographique, introduisant des variations très visibles.
Dépassement
Les ramifications vasculaires orange ou bleues n’adoptent pas toujours le même schéma. Les coloristes quittent parfois le tracé prédéfini au crayon lithographique, introduisant des variations très visibles.
Dépassement
Les ramifications vasculaires orange ou bleues n’adoptent pas toujours le même schéma. Les coloristes quittent parfois le tracé prédéfini au crayon lithographique, introduisant des variations très visibles.
Dépassement
La couleur de la peau passée en aplat teinte la trame du dessin lithographique. Elle peine parfois à suivre l’arrondi du menton. La coloration des lèvres dessine une bouche très différente pour chaque exemplaire.
Dépassement
La couleur de la peau passée en aplat teinte la trame du dessin lithographique. Elle peine parfois à suivre l’arrondi du menton. La coloration des lèvres dessine une bouche très différente pour chaque exemplaire.
Dépassement
La couleur de la peau passée en aplat teinte la trame du dessin lithographique. Elle peine parfois à suivre l’arrondi du menton. La coloration des lèvres dessine une bouche très différente pour chaque exemplaire.
Dépassement
La couleur de la peau passée en aplat teinte la trame du dessin lithographique. Elle peine parfois à suivre l’arrondi du menton. La coloration des lèvres dessine une bouche très différente pour chaque exemplaire.
Technique
Les tracés bleus et orangés repris après que l’encre a séché laissent une marque de surcharge qui est caractéristique de l’usage d’un pinceau.
Technique
Les tracés bleus et orangés repris après que l’encre a séché laissent une marque de surcharge qui est caractéristique de l’usage d’un pinceau.
Technique
Les tracés bleus et orangés repris après que l’encre a séché laissent une marque de surcharge qui est caractéristique de l’usage d’un pinceau.
Technique
Les tracés bleus et orangés repris après que l’encre a séché laissent une marque de surcharge qui est caractéristique de l’usage d’un pinceau.
Technique
Près de cent cinquante ans se sont écoulés depuis la publication de ces ouvrages. Les conditions de conservation des différents exemplaires peuvent encore augmenter les différences de rendu des couleurs. Toutefois, il est évident ici que la teinte et la luminosité du bleu choisies par les coloristes sont dès l’origine très différentes.
Technique
Près de cent cinquante ans se sont écoulés depuis la publication de ces ouvrages. Les conditions de conservation des différents exemplaires peuvent encore augmenter les différences de rendu des couleurs. Toutefois, il est évident ici que la teinte et la luminosité du bleu choisies par les coloristes sont dès l’origine très différentes.
Technique
Près de cent cinquante ans se sont écoulés depuis la publication de ces ouvrages. Les conditions de conservation des différents exemplaires peuvent encore augmenter les différences de rendu des couleurs. Toutefois, il est évident ici que la teinte et la luminosité du bleu choisies par les coloristes sont dès l’origine très différentes.
Technique
Près de cent cinquante ans se sont écoulés depuis la publication de ces ouvrages. Les conditions de conservation des différents exemplaires peuvent encore augmenter les différences de rendu des couleurs. Toutefois, il est évident ici que la teinte et la luminosité du bleu choisies par les coloristes sont dès l’origine très différentes.
Interprétation
Certains détails anatomiques sont rendus sans suivre précisément de tracé prédéfini au crayon lithographique. Ce faisant, ils révèlent de façon parfois très lisible l’empreinte du pinceau.
Interprétation
Certains détails anatomiques sont rendus sans suivre précisément de tracé prédéfini au crayon lithographique. Ce faisant, ils révèlent de façon parfois très lisible l’empreinte du pinceau.
Interprétation
Certains détails anatomiques sont rendus sans suivre précisément de tracé prédéfini au crayon lithographique. Ce faisant, ils révèlent de façon parfois très lisible l’empreinte du pinceau.
Interprétation
Certains détails anatomiques sont rendus sans suivre précisément de tracé prédéfini au crayon lithographique. Ce faisant, ils révèlent de façon parfois très lisible l’empreinte du pinceau.
Technique
Afin de rendre l’apparence et la nature de l’intérieur des os, il faut combiner différentes teintes rouges et rosées ; de la même façon pour rendre le jaune de la graisse, il faut juxtaposer des nuances jaunes et orangées. Ce mélange optique est interprété différemment suivant les coloristes qui travaillent à la mise en couleur de cette même planche.
Technique
Afin de rendre l’apparence et la nature de l’intérieur des os, il faut combiner différentes teintes rouges et rosées ; de la même façon pour rendre le jaune de la graisse, il faut juxtaposer des nuances jaunes et orangées. Ce mélange optique est interprété différemment suivant les coloristes qui travaillent à la mise en couleur de cette même planche.
Technique
Afin de rendre l’apparence et la nature de l’intérieur des os, il faut combiner différentes teintes rouges et rosées ; de la même façon pour rendre le jaune de la graisse, il faut juxtaposer des nuances jaunes et orangées. Ce mélange optique est interprété différemment suivant les coloristes qui travaillent à la mise en couleur de cette même planche.
Technique
Afin de rendre l’apparence et la nature de l’intérieur des os, il faut combiner différentes teintes rouges et rosées ; de la même façon pour rendre le jaune de la graisse, il faut juxtaposer des nuances jaunes et orangées. Ce mélange optique est interprété différemment suivant les coloristes qui travaillent à la mise en couleur de cette même planche.
Pour les exemplaires photographiés pour cette démonstration nommés « Delaunay » et « Guérin 1 » : © Université de Strasbourg, Service Commun de la Documentation (dépôt BNU)
Pour les exemplaires photographiés pour cette démonstration nommés « Guérin 2 » et « Guérin 3 » : © Bibliothèque interuniversitaire de santé, Paris
Étude comparée de la planche 12 du Tome VII du « Traité complet de l'anatomie de l'homme ».
L'observation à la loupe de quatre reproductions de cette autre planche (une éditée par C.-A. Delaunay et trois édités par Louis Guérin), également numérisées à notre attention par les bibliothèques de Strasbourg et Paris, étaye nos conclusions.
Le détail du sang sur le couteau et sur la peau visible (Fig. 15) n'est pas représenté sur la lithographie originale en noir. C’est un ajout des versions coloriées et il n’est pas anecdotique : en effet, la couleur rouge a été apposée sans contrainte particulière, et, suivant les exemplaires, rendue de façon très différente. Nous tenons là une preuve irréfutable que la couleur rouge n’a pas été imprimée en chromolithographie.
Cette liberté d'interprétation par les coloristes de l'édition Guérin, de la façon dont le sang ruisselle sur le couteau et sur la peau du patient est exécutée dans le même esprit que la mise en couleur adoptée par les coloristes de l'édition Delaunay.
Jean-Marc Bourgery, Nicolas-Henri Jacob, Traité complet de l'anatomie de l'homme comprenant la médecine opératoire, Paris, C.-A. Delaunay, 1831-1854, 8 vol., Tome VII, planche 12
Université de Strasbourg, Service Commun de la Documentation (dépôt BNU)
d'après nature par N. H. Jacob
Imp. de Lemercier, Bénard et Cie.
Le premier ouvrage d'anatomie imprimé en chromolithographie.
Observons le rendu d'impression propre à la chromolithographie.
En France, le premier ouvrage d’anatomie imprimé en chromolithographie a été publié en 1867, c'est à dire très exactement aux mêmes dates que le Traité complet de l'anatomie de l'Homme de Bourgery et Jacob. Il s’agit du Traité d’anatomie topographique : comprenant les principales applications à la pathologie et à la médecine opératoire de V. Paulet et Jules-Adrien-Charles-Marc Sarazin.
Nous avons pu consulter cet ouvrage de petit format à la Bibliothèque interuniversitaire de santé à Paris. Les planches en couleurs présentent le grain caractéristique de la pierre lithographique : les différentes couches de couleur sont parfois légèrement décalées, comme on peut l’observer sur les très gros plans ci-dessous.
Remarquons encore, même si cela peut paraître anecdotique, que l’imprimeur V. Mercier a tenu à indiquer, au bas des planches, que celles-ci sont imprimées en chromolithographie : par cette précison, il entendait souligner combien il s’agissait, à cette date, d’une innovation et d’une vraie prouesse technologique.
V. Paulet, Jules-Adrien-Charles-Marc Sarazin, Traité d’anatomie topographique : comprenant les principales applications à la pathologie et à la médecine opératoire, V. Masson et fils, Paris 1867-1870
© Bibliothèque interuniversitaire de santé, Paris